De l'importance du Sénat

Publié le par FrançaisduMonde.adfe.conesud

A l'occasion du renouvellement de la moité des sièges du sénat qui s'est déroulé en septembre dernier, Mme Conway-Mouret, sénatrice des Français établis hors de France, nous rappelle l'importance fondamentale de cette institution dans le fonctionnement institutionnel de notre pays.

Alors que les élections sénatoriales du 27 septembre ont renouvelé la moitié du Sénat, la sempiternelle question sur l’utilité de celui-ci est posée. Il en était de même aux États-Unis, lors de sa création, quand Jefferson demanda à Washington de lui expliquer pourquoi il avait accepté l'idée d'une seconde chambre. «À quoi peut bien servir le Sénat ?» lui demanda-t-il, une tasse de thé à la main, pendant qu'il en versait le contenu dans une autre tasse pour le refroidir. «Vous venez de répondre à votre propre question» lui répondit Washington. «Le Sénat est la tasse dans laquelle nous versons les textes législatifs pour les laisser refroidir.» En France, les arguments invoqués en faveur du bicamérisme reposent sur l’équilibre des pouvoirs, le contrôle de l’application des lois et la nécessité de traduire la représentation territoriale de notre pays.
Une formule ne s’use que si l’on ne s’en sert pas. Ainsi le Sénat est régulièrement décrit comme « un contre-pouvoir et non un anti-pouvoir ».  Une façon d’expliquer qu’il n’est pas en opposition systématique avec un gouvernement en place, mais un contrepoids nécessaire à l’équilibre démocratique du pays. Les relations entre ce dernier et l’exécutif oscillent toujours entre incompréhension et méfiance. La commission d’enquête sénatoriale sur l’affaire dite «Benalla», créée à l’été 2018, a laissé des traces. Plus que jamais, le Sénat revendique sa singularité, son caractère «non aligné», et se montre comme le seul organe à pouvoir assumer pleinement le pouvoir parlementaire alors que l’Assemblée nationale est forcément bridée par sa solidarité avec l’exécutif. Il n’est pas non plus une force d’obstruction, comme certains voudraient le présenter. Depuis le 1er octobre 2017, près de 75 % des textes législatifs adoptés l’ont été par accord entre les deux Chambres et 62 % des commissions mixtes paritaires entre députés et sénateurs ont connu une issue positive. Le chiffre a même atteint 69,6 % (16 sur 23) en 2019-2020 ! Les sénateurs y amènent leur culture du compromis pour marquer de leur empreinte les textes finalement votés. Même en cas de désaccord entre les deux Chambres, plus de la moitié des amendements adoptés par les sénateurs – hors textes financiers – sont conservés par l’Assemblée depuis 2017.
Fier de l’ancrage local de ses élus, le Sénat aime se considérer comme une vigie de la République, un capteur de signaux faibles. Il a lancé l’alerte, dès décembre 2017, sur la taxe carbone et le ras-le-bol des Français. Il n’a pas davantage été entendu sur les Aéroports de Paris (ADP). Droite et gauche votent peu ensemble. Mais il existe des convergences comme le refus de la privatisation d’ADP, au nom du refus de l’abandon de notre souveraineté économique ou la défense des collectivités locales.
Toujours prompt à dénoncer les arrière-pensées politiques du Sénat, l’exécutif sait aussi saluer son esprit de responsabilité, notamment dans la crise sanitaire. Il apprécie aussi la qualité du travail fourni. La preuve : depuis 2017, dix-huit propositions de loi sénatoriales ont ensuite été votées par les députés et adoptées définitivement.
Qui a dit que le Sénat ne servait à rien ? Soyez convaincu que ce bicamérisme est une chance pour notre démocratie ! J’ai voulu démontrer que notre assemblée est un lieu d’échanges, de propositions, de contrôle et de débat. Je reprendrais volontiers cette phrase de Victor Hugo, pourtant farouche opposant au Sénat conservateur, dans une lettre datée de 1848 : « L’institution d’une assemblée unique me paraît si périlleuse pour la tranquillité et la prospérité d’un pays que je n’ai pas cru pouvoir voter une constitution où ce germe de calamités est déposé. Je souhaite profondément que l’avenir me donne tort ». 

Hélène Conway-Mouret

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