Le mercredi 30 mars 2011, l’association « Familiares de europeos desaparecidos en Argentina » et la section locale de Français du Monde de Buenos Aires ont organisé à la « casa de la Provincia » de Santa Fe une soirée en hommage à Yves Domergue, Cristina Cialceta, sa compagne, et toutes les autres personnes disparues, victimes de la sanglante répression organisée par le régime militaire putschiste qui gouverna l’Argentine entre 1976 et 1983.

De gauche à droite : Vera Jarach, membre de « Madre de Plaza de Mayo-Linea Fundadora » et de Eurofam.ar; Ema Cibotti, historienne;
Liliana Samuel, journaliste; Juliana Cagrandi, professeure à l’ école “Pablo Pizzurno” de Melincué qui joua un rôle fondamental dans l’identification toute récente des corps de Cristina et Yves; Eric Domergue, frère d’Yves Domergue; Lita Boitano, présidente de « Familiares de Detenidos y desaparecidos por razones políticas ».
Emotion, courage, persévérance et espoir. Ce sont les quatre mots qui pourraient nous venir à l’esprit pour résumer ce moment si touchant auquel nous avons assisté lors de cette soirée.
Emotion, lorsque chaque invité, touché de près ou de loin par ce drame, commence à raconter son petit bout d’histoire à travers laquelle on sent poindre une souffrance présente à jamais en eux ; lorsque certains membres du public présent ce soir-la prennent la parole et demandent, parfois la gorge nouée, que tout soit fait pour qu’enfin puisse être installée une plaque commémorative au lycée Jean Mermoz en hommage aux victimes de la dictature.
Courage, de la part d’une poignée de gens tout d’abord, de plus en plus nombreux par la suite, qui osèrent réclamer, dès les premières heures, ce qui leur revenait de droit, qui cherchaient, envers et contre tout, au mépris du danger dans lequel eux-mêmes se trouvaient, à connaître la vérité, à savoir ce qu’étaient devenus leurs proches, les êtres qu’ils aimaient, les victimes de l’absurde.
Persévérance, car ces gens n’ont jamais lâché, ont insisté encore et toujours, et encore maintenant, bien après la fin du régime militaire, parce que toutes les zones d’ombre n’ont pas encore été éclaircies, parce que tous les noms n’ont pas encore retrouvés leur corps, parce que pour beaucoup, le deuil n’existe toujours pas…
Par leur action, ils ont été les premiers à lézarder le régime en place, à faire entrer le doute, à ne pas laisser enfouies toutes ces victimes dans l’oubli de l’Histoire.
Et, alors que la mémoire fait perdurer le souvenir et galvanise l’énergie, elle trouve en l’Histoire une fidèle alliée car, au-delà de la souffrance éprouvée, il y a la nécessité de posséder des documents authentiques démontrant qu’il n’est pas possible de nier la réalité. Des statistiques crues ne laissant pas la place à l’émotion mais néanmoins fondamentales afin de bien prouver que tous ces cris de réclamations sont vrais.
Et enfin l’espoir. Tous ces gens portent en eux une puissance et une joie de vivre qui force le respect. Ils ont su et pu, envers et contre tout, s’approprier leur drame, leur souffrance et leur malheur pour les transformer en une énergie indestructible dans la recherche de la vérité. Une vérité qui non seulement réclame justice mais est aussi remplie d’espoir en l’avenir pour que, comme l’ont admirablement exprimé les Argentins en 1983 dès la fin de la dictature, cet épisode dramatique ne revienne jamais plus : « Nunca mas ».

Un public fourni et attentif
Jorge Luis Borges disait qu’un homme mourait seulement à la mort du dernier homme qui l’avait connu. Cette belle phrase du célèbre écrivain argentin résume à elle seule toute la densité du combat de ces femmes et de ces hommes.
J.Guillot
Lire aussi l'article (en espagnol) de Lalie Bertoni au sujet de la conférence: http://espectadores.wordpress.com/2011/04/05/justicia-para-yves-y-cristina/
Sources: Espectadores